Quelle image avez-vous d'un archiviste ? 75 ans, la mine grise, croulant sous un désordre de boîtes, de vieilles paperasses et de journaux jaunis, comme cette image de L'archiviste de François Schuiten et Benoît Peeters ? Rien n'est plus faux, depuis la révolution numérique ! Du rôle stéréotypé de conservateur, l'archiviste est surtout aujourd'hui un organisateur et un diffuseur d'informations sous toutes les formes. Pour vous convaincre, allez vois les gagnants du concours d'Archives Online, pour la meilleure représentation de l'archiviste au quotidien, témoins de la révolution numérique. Ici, nous irons plus loin en considérant l'impact du Web 2.0 sur les services d'archives institutionnels et leurs clientèles, maintenant, dans une année, dans 5 ans et dans 20 ans (notre conception d'archives ici sera toute québécoise : elle inclut les documents actifs/administratifs tout comme les documents historiques). Pour ce faire, nous analyserons les interrogations que cela pose pour la théorie des trois âges, l'un des fondements conceptuels de l'archivistique. Puis, nous élaborerons sur l'une des plus importantes fonctions archivistiques : la diffusion. Finalement, nous parlerons des changements qui adviendront aux clientèles, plus sensibilisées que jamais à l'archivistique.
1. Bouleversement du cycle de vie des documents
Théorie des trois âges (c) Isabelle Dion, ARV 1051, EBSI 2007. |
Gestion intégrée des documents (c) Daniel Ducharme, ARV1050, EBSI 2010. |
Dans 20 ans, nous pourrons peut-être enfin accéder au bureau sans papier, promis depuis des lustres ! Avec les téléphones intelligents et les lecteurs tels que le iPad dont l'utilisation se généralise, l'impression des procès-verbaux pour une réunion de comité ne sera plus nécessaire (ex : tout le mode suit sur son iPad et annote des ordre-du-jour en format PDF. Il faudra aussi développer le cryptage et les signatures électroniques pour en assurer la validité, etc...
2. Diffusion
Réseau de diffusion des archives du Québec |
Pavillon Macdonald de génie (quand il vient d'ouvrir) et aile Workman -- Archives de McGill |
Dans vingt ans... nous pourrions imaginer des salles de musées et de centres d'archives accueillant des visiteurs à l'aide d'hologrammes en 3D d'environnements passés (ex: visiter Notre-Dame de Paris en 1789, sans une, mais cela ne fait pas trop réseau social, mais plutôt les holosuites de StarTrek. Nous pouvons à tout de moins espérer consulter les fonds d'archives historiques en ligne, dans des formats "hyperprotégés" permettant une diffusion plus grande tout en ne pervertissant pas le document original et en soulignant la source (fonds, centre d'archives).
3. Usagers : tous de petits archivistes
Plus que jamais, avec le numérique et le Web 2.0, des réflexes d'archivistes sont adoptés par tous : qui n'a pas un cousin qui nomme et organise ses photographies numériques ? Un ami qui collectionne des liens intéressants sur delicious et cie ? Un oncle qui fait migrer, pour les conserver, ses vieux VHS et ses diapositives de voyage vers son ordinateur ou un disque dur externe ? Il est encourageant de voir mes concitoyens aussi concernés par des actions archivistiques de classification, d'indexation et de préservation ! Les chroniques (1 et 2) de M. Dumais, sur Cyberpresse témoignent de l'engouement des lecteurs pour des gadgets et de nouveaux comportements pour enrayer le(ur) chaos numérique (tant que nous ne mentionnons pas le terme "archives"!). Si ces tendances existent chez les particuliers pour leurs archives personnelles, nous espérons que la prochaine année, les employés/travailleurs profitent aussi de cet ouverture et qu'ils soient enthousiastes à accueillir des solutions SIGD. Car malheureusement, la collaboration au travail ne s'effectue majoritairement pas avec des fils RSS commentés ou des wikis, mais de lourds procéduriers.
D'ici 5 ans, nous croyons que ces solutions SIGD seront implantées partout et que nous pourrons intégrer la conservations des publications sur les réseaux sociaux. De plus, les employés en place auront changé (nombreux départs à la retraite de la génération "babyboomer") pour laisser la place aux usagers de la génération C (collabore, communique et crée) ou les natifs numériques. Les usagers 2.0 sont dépendants de l’information et de son actualisation et ils sont indifférents aux formats contenant les informations voulues : cela facilitera la création de services proactifs qui éduquent usagers internes et externes (chercheurs), améliorera les communications internes et externes et rendra plus aisée l’implémentation et l'utilisation des éléments 2.0. Classer, indexer, rechercher, préserver l'information ne sera plus l'apanage des archivistes, mais le souci de tous.
Dans 20 ans, les ordinateurs auront été apprivoisés : nous aurons des applications et logiciels simples, maîtrisés par les usagers car tous seront des natifs numériques. L’humain aura appris cet outil complexe, l’ordinateur, comme il a appris à asservir la parole à sa pensée puis l’écriture à sa parole. Le cerveau humain changera au contact de l’ordinateur dans son quotidien et dans ses réseaux sociaux. Mais sera-t-il plus intelligent et plus inventif ? Ou plus idiot, comme l’avance le spécialiste américain Nicholas Carr dans «Is Google Making Us Stupid ?» (2008). C'est une révolution culturelle et cognitive à laquelle nous assisterons. Le rapport aux archives sera tout à fait différent : de précieux papiers et photographies enfouis dans les catacombes, nous irons vers des documents de tout genre (ex: documents audio-visuels, documents avec liens hypertextuels) facilement accessibles. Les archives seront beaucoup plus présentes : lorsque "actives", les archives administratives seront organisées, partagées et étiquetées par les usagers. Lorsque historiques, les archives-"témoins" seront disponibles et diffusées, voir vivantes pour les chercheurs, professionnels ou non. Et tous seront les archivistes des mémoires de demain !